" T'as pas inventé le fil à couper le beurre!" Qui n'a pas été un jour l'objet de cette raillerie après une grosse bourde?
C'est pourtant bien de cela qu'il s'agit, quitte a faire rigoler des générations de crémières qui maîtrisent cette technique depuis la nuit des temps.
Son principe: découper un matériau à basse température de fusion au moyen d'un fil métallique tendu sur un arc et chauffé électriquement. A part le beurre dont ce n'est pas notre sujet, les matériaux concernés sont principalement les mousses isolantes (polystyrene, EPP,...), disponibles en plaques de différentes épaisseurs (généralement 20 à 100mm) ou en feuilles de 3, 6 ou 9mm (Depron).
Les applications sont multiples: décoration, prototypage, modélisme dont nous parlerons ici essentiellement.
Fil chaud et modélisme
Si le balsa et autres bois restent les matériaux nobles traditionnels du modélisme, il n’est pas pour autant sacrilège de s’intéresser à d’autres produits aux propriétés intéressantes. Les mousses isolantes de polystyrène expansé ou extrudé le sont à plus d’un titre : légères, peu onéreuses, assez faciles à travailler si on a les bons outils (mais c’est l’objet de ce chapitre), faciles à assembler (elles se collent bien entre elles et avec les bois ou les composites).
Elles ont aussi les défauts de leurs qualités :
- état de surface moyen, facilement marquées, convenant mieux aux modèles de finition sommaire, bien qu’il y ait de très belles réalisations.
- spongieuses et chimiquement vulnérables, elles sont plus adaptées aux motorisations électriques que thermiques.
- qualités mécaniques médiocres, les petites sections sont à bannir, il faut faire massif, renforcer par du marouflage, des coffrages, des résines.
les premiers pas: la méthode manuelle
On confectionne des gabarits à la forme de chaque extrémité du pain de mousse à découper et on y fait glisser le fil chauffé de l'arc. On imagine facilement les difficultés: gabarits à la finition poli-miroir (la plus infime aspérité accroche le fil), procéder en deux temps (dessus-dessous), et avancer régulièrement demande un coup de main pas acquis au premier coup.
Bref, beaucoup de ratés, une finition sommaire nécessitant des reprises manuelles.
les évolutions
L'ingéniosité modélistique étant sans limites, on vit apparaître des tables de découpes bardées de câbles et poulies auxquels l'arc était arrimé.
Toujours les gabarits mais l'avance du fil était plus régulière.
enfin la CNC
(CNC= Computerised Numerical Control ou in french Commande Numérique à Calculateur).
J'ai connu les commandes numériques de la taille d'une belle armoire avec 2 à 3 racks de cartes grand format, programmation manuelle sur rubans perforés. Leur complexité et leur prix les limitaient aux applications industrielles et elles ont piloté les machines qui ont produit le fleuron de notre industrie. Bien sûr hors des moyens des amateurs.
Aujourd'hui: un chip sur une carte de quelques cm2, à la portée du bidouilleur du dimanche. Sans parler de l'évolution des logiciels, quasi directement du dessin à la machine.
La structure des machines
Chaque extrémité du fil repose sur un support mobile piloté dans le plan vertical selon 2 axes par l'électronique et le logiciel qui vont bien (en fait c'est du 2 fois 2 axes).
Mon expérience personnelle
Première machine
Dans mon défunt club, quelques grands précurseurs de la découpe nous y avaient initiés. Et bien sûr n'oublions pas notre maître à tous, le Panoramix de la découpe numérique, le regretté génial Philippe Cartpentiers alias Papy Kilowatt dont le site est toujours religieusement maintenu par ses amis et qui reste la référence absolue, ne manquez pas de le visiter: http://papykilowatt.free.fr/index.htm
Nous avions alors construit une machine grandement inspirée de la Rustica d'Olivier Ségouin: entrainement par tiges filetées, moteurs 55SI à 48 pas/tour, vitesse maximale 6mm/s (et encore!).
La Rustica du club découpe en série des petits modèles en vue d'une manifestation publique
Les logiciels
D'abord le GMFC (licence pro), puis le RP-FC (gratuit) de l'équipe 5X-Project autour de Roland Poidevin, ensemble de logiciels beaucoup plus complet, encore entaché de quelques bugs de jeunesse facilement contournables, mais dont les développements n'ont malheureusement pas été poursuivis.
Puis est apparu le FCNX de Renaud Iltis (payant mais prix très raisonable) qui a bénéficié de cette manne de connaissances pour proposer un produit complet et performant, mais peu compatible dans certains cas de figure avec la lente Rustica.
Ma Machine
A la dissolution du club (faute de local), un jeune adhérent a émis le souhait de récupérer la Rustica, je ne doute pas qu'il en ait fait bon usage. J'ai alors entrepris la construction d'une machine personnelle mais de MA conception.
Conscient des limites de l'entraînement par tiges filetées, j'ai voulu une table à entraînement par courroie crantée, et j'avais une réserve de moteurs 13F0500 (100 pas/tour) issus de la liquidation des stocks de Medelor. Structure mécanique classique à base de règle de maçon, profilés et roulements, pignonerie et courroies taille GT2, mais aussi beaucoup de pièces en impression 3D à laquelle je m'étais aussi initié (merci Renaud pour la qualité de ta formation).
Le plateau est une porte de récup. Pour l'alimentation, les transfos sont aussi de la récup dans les poubelles de mon ancienne vie professionnelle, électronique IPL5X et modules de puissance Microstep Driver, circuit de chauffe indépendant pompé sur le schéma de la MM2001.
Et vogue la galère, ça tourne et plutôt bien, je bombe le torse.
(voir les détails)